Il y a des disques qui vous cueillent alors que, sur le papier, rien ne semble prédestiner un tel coup de coeur. Pour moi, Lana Del Rey c'était avant tout un single fabuleux en 2012, l'extraordinaire de spleen "Video games", puis une chanteuse plus célèbre pour ses concerts plus ou moins foirés et son image marketée que pour ses productions musicales.
Et puis voilà que ce Norman Fucking Rockwell! débarque en cette rentrée 2019. Et le hasard a fait que ce disque servait de musique de fond lors d'une de mes déambulations dans un magasin. Et je me suis fait totalement avoir, par l'ambiance qui se dégageait de ces titres, par cette production pas du tout dans l'air du temps et par cette voix de femme qui se demande non pas si, mais quand est-ce qu'elle va se flinguer.
Et au bout du compte, après plusieurs écoutes, on sait qu'on tient là un grand disque. L'ouverture ("Norman fucking Rockwell") pose gentiment les bases. Piano / voix essentiellement, un peu de cordes derrière, c'est sûr qu'on ne va pas enflammer le dancefloor ce soir. Mais dès le deuxième titre, le happant "Mariners apartment complex", on bascule dans autre chose. Le duo Lana Del Rey / Jack Antonoff, qui a écrit et produit la quasi totalité de l'album, fait des merveilles. Sur un canevas mélodique finalement assez simple, les quatre mains posent une production renversant dans laquelle tout s'imbrique parfaitement, notamment ces cordes extraordinaires et cette guitare électrique un peu cradingue qui s'auto-répond. Et puis ces paroles bon sang! "I fucked up, I know, but Jesus / Can't a girl just do the best she can?"... Ca rigole moyen.
Sur le titre suivant, Lana Del Rey propose un titre de près de dix minutes, "Venice bitch", tout en nuances, et qui lorgne presque du côté de chez Air. Les deux titres suivants, "Fuck it, I love you" et "Doin' time" (qui est donc une reprise d'un titre du groupe Sublime), sont peut-être les plus faibles, en tout cas les plus évidents commercialement parlant, de l'album.
Parce qu'après, il n'y a plus rien à jeter, c'est un sans-faute sur 9 (longs) titres d'affilée. Alors oui, on peut les trouver répétitifs en terme d'ambiance dégagée, mais c'est faire la fine bouche en regard de la qualité de ce qui est proposé ici. Dès "Love song", on sent que l'album est remis sur d'excellents rails. Sonnant comme du Cardigans sous Lexomil, et encore une fois porté par une production splendide, ce morceau annihile toute résistance. Tout le reste est somptueux: "Cinnamon girl" et cette partie instrumentale renversante à 3'30, "How to disappear" qui sonne comme un tube pour dépressifs, la troublante "Bartender" et cette diction à faire fondre n'importe quel esquimau normalement constitué ("Bar-t-t-t-tender"), "Happiness is a butterfly" et son refrain imparable... La palme revenant à l'effarant "The next best american record", sur lequel Lana Del Rey dit que son chéri et elle étaient "trop occupés à écrire le prochain meilleur disque américain" pour s'occuper d'eux-mêmes, le tout sur une mélodie et des arrangements à se relever la nuit.
Alors oui, peut-être que certains titres présentent des similitudes les uns avec les autres. Peut-être que l'album est trop long (68 minutes). Mais qu'il se vende et s'écoute à des millions d'unités en ces temps où qualité et quantité ne vont pas forcément de pair est quand même assez rassurant.
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