C'était quelque part un petit exploit pour David Crosby d'avoir atteint l'âge de 81 ans au vu des diverses substances dont il a usé et abusé pendant au moins deux décennies. Et c'est pourtant à cet âge vénérable que l'un des plus grands chanteurs, ou plutôt devrait-on écrire vocaliste arrangeur, de l'histoire du rock est décédé.
Crosby faisait partie des fondateurs des Byrds, et s'il n'en était pas le principal compositeur, il fut en revanche l'artisan des subtiles harmonies vocales qui ont fait la réputation du groupe. Il fallait en effet beaucoup d'imagination et de talent pour transformer le brinquebalant "Mr tambourine man" de Dylan en morceau pop délicat et ouvragé. Crosby sera tout de même l'un des compositeurs du fameux "Eight miles high", qui prouvait qu'on pouvait marier psychédélisme et choeurs aériens.
Puis Crosby rejoignit ses deux compères Stills et Nash, auxquels viendra s'adjoindre Neil Young au début des années 70 pour former un supergroupe, dans tous les sens du terme. Les ego de chacun eurent raison de la formation très rapidement, mais le quatuor laissa, en l'espace de quelques mois, plusieurs chansons qui ont désormais le statut de classiques absolus du rock. Si le morceau le plus célèbre écrit par Crosby durant cette période reste certainement "Almost cut my hair", je dois avouer avoir toujours eu un gros faible pour "Guinnevere", capsule de douceur composée avec des accords ouverts assez inusités en ce temps là, excepté chez Joni Mitchell et Nick Drake.
David Crosby signa ensuite en 1971 un album solo complètement inclassable, If I Could Only Remember My Name, avant de sombrer dans les excès en tous genres. Seules les réunions avec Stills et Nash le maintenaient à peu près à flots, les dealers et les vendeurs d'armes étant désormais ses plus proches amis... Ce n'est finalement que tout récemment que Crosby se mit à publier plein d'albums, toujours intéressants, comme s'il sentait que la fin approchant, il était temps de cesser de déconner et de faire paraître des disques.
A chaque fois qu'il intervenait sur un enregistrement, on reconnaissait sa patte vocale, avec une voix sans âge, profonde, et toujours placée avec une précision exceptionnelle. Chose curieuse, son mode de vie n'avait pas vraiment altéré ses cordes vocales, Crosby gardant jusqu'au bout sa voix difficilement imitable et pas du tout en accord avec son physique imposant. On notera enfin l'élégance de Nash et Young, à propos desquels Crosby avait ces dernières années tenu des propos peu amènes, et qui, dans leurs tweets respectifs, ont su exprimer toute la peine que la disparition de leur camarade de route leur faisait. Pour reprendre le titre d'une chanson de Stephen Stills, peut-être que Crosby a enfin "trouvé le prix de la liberté".
Oui, une grande perte que celle de David Crosby. J'ai vu Crosby, Stills & Nash à l'Olympia, fin septembre 2015 et j'avais été épaté par leur présence scénique, en particulier celle de Crosby. Je me suis dit: "comment ces trois lascars qui ont traversé tant de trous noirs tant individuellement que collectivement arrivent-ils à jouer et à chanter avec tant de passion? Chapeau bas messieurs!" Jusqu'à hélas, une énième dispute entre Nash et Crosby. Les egos sont difficiles à maîtriser.
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