lundi 15 mai 2023

Bruce Springsteen & The E Street Band, Paris, La Défense Arena, 13 mai 2023

On l'attendait avec impatience ce samedi 13 mai 2023. Impatience car onze ans se sont écoulés depuis la dernière fois où nous avions vu le Boss et ses copains sur scène, lors d'un marathon à Bercy ayant duré 3h30 (et nous ayant fait rater le dernier métro, mais ceci est une autre histoire). Impatience teintée aussi d'appréhension car, l'âge des musiciens n'allant pas en diminuant, qu'allait donner cette prestation? Retrouverait-on cette fougue impressionnante, ce rapport quasi charnel avec les spectateurs?

Nous en étions là de nos réflexions au moment de regagner la trèèèèèèèèèèèès longue file d'attente qui s'était formée aux abords de la Défense Arena. L'occasion d'ailleurs d'entendre un serveur d'un restaurant du coin nous dire qu'il n'avait jamais vu ça en sept ans de service, et l'occasion aussi de découvrir que Springsteen est totalement inconnu d'une certaine partie de la jeune génération ("Vous attendez pour quoi?" "Springsteen!" "C'est qui?" "Ben, heu...un gars qui fait du rock!" "Ah bon!?"...). Finalement, une fois les portes ouvertes, le flot va se fluidifier, mais ça va occasionner une belle pagaille aux abords de la salle, les files d'attente pour les différents accès étant matérialisées TRES tardivement. Point vraiment très largement perfectible.

Nous découvrons donc ce stade couvert et nous nous positionnons dans la fosse "or", pile dans l'axe de la scène, non sans avoir noté au passage que les t-shirts de la tournée étaient proposés au tarif modique de...50€, et les caquettes à...30€. Heu, oui mais non Bruce, là c'est un peu too much...

Très vite, nous nous rendons compte que le son risque d'être bien pourri. En effet, diverses bande-annonces défilaient sur les écrans de la salle, notamment une en lien avec le prochain film de Christopher Nolan. Or, dans cette bande-annonce, il y a des explosions. Et le son de ces explosions dans la salle, mon Dieu mon Dieu mon Dieu... Alors même que le volume était faible, on entendait un grondement qui résonnait de partout dans la salle. Confirmation lorsque le technicien guitare a plaqué un accord sur la Telecaster de Springsteen: c'était tout simplement dégueulasse. Donc là, boules quies avec filtre de sorties avant même le début du concert histoire de ne pas perdre un tympan bêtement.

Si Springsteen et le E Street Band nous avaient fait poireauter une heure en 2012, démarrant à 21h au lieu de 20h, c'est en revanche à 19h pétantes (prout) que les lumières s'éteignent et que la foule accueille la troupe avec les "Bruuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuce" de circonstance. Chaque musicien surgit de sous la scène (mention spéciale à Van Zandt sapé en pirate), Springsteen arrivant comme de juste en dernier.

"One, two, three, four" et boum, "No surrender" d'emblée. Ca déroule, ça bastonne, ça sonne d'enfer si on excepte un son abominable. Même avec les boules quies adaptées, on percevait nettement qu'on était dans une chambre d'écho taille XXL. Cette Arena est certainement adaptée pour les matches de rugby, l'ambiance doit y être dingue avec cette résonnance, mais alors pour les concerts bonjour la boucherie.

Ca embraye derrière comme en 14: "Ghosts", "Prove it all night", "A letter to you" (avec les sous-titres apparaissant en temps réel sur les écrans, belle initiative), "The promised land" et "Out in the street", franchement ça le fait. Springsteen a toujours une puissance vocale ahurissante, le groupe fait toujours le boulot à merveille derrière, même si l'utilité de 4 (!) guitares sur certains titres apparaît très peu évidente (celles de Lofgren et de Tyrell étaient inaudibles).

Après "Out in the street", voilà t-y pas que Max Weinberg nous fait tchiki-tchi tchiki-tchi tchiki-chi avec son charleston. Ouh yeah, "Candy's room", une de mes préférées! Sauf que... sauf que Weinberg (qui ressemble de plus en plus à Albert Algoud, c'est saisissant) n'a plus 20 ans, et que son jeu de charleston sur toute la longueur de l'intro a été très fluctuant. Ca va d'ailleurs se répéter à plusieurs reprises au cours du concert, avec des variations de tempo à l'intérieur d'un même morceau tout sauf volontaires. Weinberg est ainsi le seul, selon moi, pour lequel le poids des ans se ressent musicalement parlant, mais peut-on lui en vouloir?

La troupe enchaîne ensuite quatre titres (dont une reprise des Commodores présente sur le dernier album en date du Boss) très orientés R&B / soul, et même si c'était parfaitement exécuté, j'ai un peu décroché, n'étant pas un adepte de ce style (mais c'est vraiment un goût personnel, je précise bien).

Excellente surprise ensuite avec une version de "Johnny 99" avec le groupe au complet, alors même que la version originale de ce titre, figurant sur Nebraska est ultra dépouillée. Ultra dépouillée, c'est ce qu'est la très belle "Last man standing". Springsteen tout seul à la guitare acoustique accompagné d'un seul trompettiste pour cette chanson (avec sous-titres) évoquant le décès de l'un de ses plus vieux amis. Le boss se fend au début du titre d'un discours sur l'importance de profiter du moment présent, surtout l'âge venant, car "il y a plus d'hier et d'au revoir" que quand on est jeunes... Façon de faire comprendre au public qu'il faut profiter de ce concert, car ce n'est pas dit que l'on revoit Springsteen un jour sur une scène, notamment avec le E Street Band...

Après cette séquence "émotion", ça va bastonner sévère, et ça va être dantesque. "Backstreets" (formidable titre), "Because the night" avec un solo de première bourre de Lofgren (qui est vraiment sous-employé dans cette formation), "She's the one" et son harmonica, "Wrecking ball" et son côté fête irlandaise, "The rising" et ses "lalala", "Badlands" et ses "oh oh oh", et enfin "Thunder road" et son bain de foule. Boum badaboum, y'a rien à redire.

Pour le rappel, les musiciens ne quittent même pas la scène, et ils attaquent par..."Born in the U.S.A.". Son de caisse claire de Weinberg comme sur le disque (mais le rythme, youhou, bonjour le flottement), Springsteen hurlant comme sur la version originale, les lumières de la salle qui se rallument (et qui ne s'éteindront qu'au tout dernier morceau), le public filmé en gros plan, notamment les enfants et les femmes juchés sur des épaules... Quelle ferveur! Pas de doute, c'est objectivement rarissime d'avoir un tel rapport entre un artiste et son public, c'est vraiment extrêmement touchant.

Pour le rappel donc, c'est l'autoroute des tubes: "Born to run", "Bobby Jean", "Glory days" et "Dancing in the dark", n'en jetez plus. "Tenth avenue freeze-out" et ses hommages vidéos aux deux membres disparus du E Street Band suit, avant que la soirée ne se clôture par Springsteen seul avec sa guitare murmurant "I'll see you in my dreams". Grand.

Les lumières se rallument cette fois pour de bon après 2h45 de concert pile poil. Alors oui, ils ne jouent plus 3h et des brouettes comme avant. Oui, Springsteen ne prend plus de pancartes de fans pour modifier la setlist en temps réel. Oui, il ne saute plus à pieds joints sur le piano de Roy Bittan, ni n'entreprend de savantes génufléxions avec son pied de micro. Mais bon, soyons réalistes: quel groupe peut se targuer de proposer un show de cette qualité et de cette densité avec cette moyenne d'âge? Dieu sait que j'adore les Stones, mais le nombre de trous d'air dans leurs concerts est quand même important...

Alors oui, bien sûr, chacun peut regretter que telle ou telle chanson n'ait pas été jouée ("Tougher than the rest", "Lucky town", "The ghost of Tom Joad", "Atlantic city", "Radio nowhere" et "Youngstown" pour ma pomme), mais cette tournée, si elle devait être la dernière de Springsteen et son groupe, a une sacrée fière allure. Bravo et respect messieurs dames.

Setlist:

No surrender / Ghosts / Prove it all night / Letter to you / The promised land / Out in the street / Candy's room / Kitty's back / Nightshift / Mary's place / The E Street shuffle / Johnny 99 / Last man standing / Backstreets / Because the night / She's the one / Wrecking ball / The rising / Badlands / Thunder road

Rappel: Born in the U.S.A. / Born to run / Bobby Jean / Glory days / Dancing in the dark / Tenth avenue freeze-out / I'll see you in my dreams

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