mardi 25 octobre 2016

Michel Polnareff: un énième best of!

Je l'indique d'emblée, et je l'ai d'ailleurs déjà mentionné il y a quelques jours sur ce même blog: j'apprécie beaucoup l'oeuvre de Michel Polnareff. Qu'un surdoué du piano se mette au service de la pop a toujours donné des résultats étincelants - dans un autre registre, William Sheller en est la preuve -, et l'homme aux inamovibles lunettes a écrit un paquet de tubes millésimés inscrits  dans la mémoire collective nationale pour encore de solides années.

Seulement voilà, depuis maintenant 25 ans, une certaine lassitude commence à poindre. Résumé des épisodes précédents:

1990: l'artiste publie l'album Kâma-Sûtra, globalement très bon, qui contient notamment le tube rigolo de rigueur ("LNA HO"), un rock pêchu ("Toi et moi"), deux belles ballades ("Kâma-Sûtra" et "Amours cachets"), une pépite peu connue ("Besoin de toi") et bien évidemment un truc venu d'ailleurs, à savoir "Goodbye Marylou" et ses plus de 6 minutes au compteur, morceau orchestral qui tutoie les cimes.

On apprendra que l'album a été enregistré dans des conditions rocambolesques, Polnareff vivant reclus au Royal Monceau à Paris (bonjour la note!). Il enregistrait ainsi l'album la nuit, au bar de l'hôtel, qui devenait ainsi un studio improvisé, et dirigeait ses musiciens à l'autre bout du monde par téléphone. L'explication de cette situation ubuesque était médicale: Polnareff devenait progressivement aveugle et ne pouvait se déplacer que dans un environnement qu'il connaissait parfaitement, d'où son refus et sa crainte de sortir.

Il décide finalement de se faire opérer: grosse intervention, mais qui est un succès. Histoire de se requinquer, il monte en septembre 1995 sur la scène du mythique club "Le Roxy" à Los Angeles pour un concert, qui sera capté et deviendra le Live At The Roxy, et qui contient un morceau inédit, le très joli (mais très court!) instrumental "Lee Neddy" (jeu de mots quand tu nous tiens...). Polnareff annonce qu'il a plein de projets en tête, sauf que...Rien ne se passe.

Il faut attendre 1999 pour avoir du nouveau. Polnareff annonce notamment qu'il sera le premier artiste à faire un concert au Stade de France (loupé...) et publie un nouveau single, "Je rêve d'un monde". Manque de pot, ses fans rêvaient, eux, d'un bon morceau. Là, on a droit à une ballade gospelisante fadasse et des paroles indigentes. La chanson fait un flop monstrueux et Polnareff disparaît des écrans radars, sauf en ce qui concerne les compilations (Les Premières Années, Nos Maux (Mots) D'Amour, Passé Présent, Passé Simple, il y a l'embarras du choix...).

2006: tatatatsoin, cette fois c'est promis, il revient! Polnareff annonce une tournée en France, portée par une énième compilation (Les 100 Plus Belles Chansons, en fait les 82 car les 18 dernières sont constituées du Live At The Roxy, et en plus la tracklist oublie "Toi et moi" et "Besoin de toi", mais bon...) et livre un nouveau single. En fait, une horreur musicale absolue, ce que Polnareff reconnaît lui-même dans une interview accordée à Philippe Manoeuvre cette année. "Ophélie flagrant des lits" (jeu de mots, deuxième) est un ratage complet, entre une mélodie pauvrissime, des arrangements type bontempi des années 70, et des paroles faisant passer "Y'a qu'un ch'veu" pour l'intégrale de la Pléiade.

Cela étant, la tournée de 2007 est un succès mérité. Musiciens au top, set-list aux petits oignons, public conquis d'avance, light-show efficace, Polnareff joue sur du velours. Sur les premières dates parisiennes, il jouera non seulement "Ophélie flagrant des lits", mais aussi un autre inédit, "Positions", truc vaguement jazzy et coquinou absolument pas impérissable.

Et puis de nouveau plus rien, alors même qu'un nouvel album était annoncé. On doit se contenter de l'album live (Ze Re Tour 2007), d'une énième compilation (Triple Best Of), mais rien de consistant.

Et de nouveau, Polnareff refait monter la sauce en 2014 avec le film documentaire "Quand l'écran s'allume", qui le présente chez lui, entouré notamment de sa compagne, en train d'enregistrer le fameux nouvel album. Si certaines séquences sont gênantes tellement la mise en scène fait montée de toutes pièces, on entend des bribes de nouveaux morceaux. Les passages où Polnareff est seul au piano montrent qu'il n'a rien perdu de sa virtuosité, par contre les sons des autres instruments sonnent terriblement datés, et on espère qu'il s'agit simplement de demos et pas de versions définitives.

2015: le site internet de l'artiste bouge, et on entend une trentaine de secondes d'un nouveau morceau, ainsi qu'un message ("Polna 25") laissant penser que, oui, 25 ans après, on va peut-être avoir un nouvel album. C'est un single qui sort à la fin de l'année: "L'homme en rouge", qui essuie un feu de critiques assassines, alors que, comparativement aux 3 morceaux inédits qui l'ont précédé, il s'en sort pas trop trop mal. Les paroles sont certes relativement peu subtiles, l'orchestration fait un peu "Maritie et Gilbert Carpentier", mais la mélodie est là.

Annonce d'une nouvelle tournée, départ à Bruxelles pour mixer l'album... La tournée démarre, et là, bonnes et mauvaises surprises. Moi qui l'ai vu à Paris le 10 mai dernier, j'ai trouvé le light-show extraordinaire et la performance musicale de premier ordre. Par contre, les deux premiers tiers du concert étaient la copie quasi conforme de la tournée 2007 (mêmes morceaux quasiment dans le même ordre!) et aucune nouvelle chanson à se mettre sous la dent...

Et voilà donc qu'on nous annonce pour la fin de l'année l'album du concert donné à l'Olympia le 14 juillet dernier (ma foi pourquoi pas) et......une nouvelle compilation (Polnabest) avec.......un inédit, à savoir......"L'homme en rouge"......

Alors loin de moi l'idée de critiquer Polnareff pour la durée qu'il met à sortir son nouvel album. D'autres perfectionnistes maladifs (Peter Gabriel ou Laurent Voulzy au hasard) peuvent aussi passer des semaines sur un son de batterie ou un mot à changer. J'ose aussi espérer que l'album en question existe (ou est sur le point d'exister), mais je ne pense pas que Polnareff ait passé des mois à Bruxelles pour mixer un seul morceau, et ce d'autant plus que Philippe Manoeuvre a décrit les morceaux que le chanteur lui avait fait entendre.

Mais alors mieux vaudrait qu'il nous fasse un truc à la Bowie, style une sortie d'album à un moment que personne n'attend. Ca aurait autrement plus de classe que de refourguer une septième (!!!) compilation, et ce d'autant plus qu'à l'époque des plate-formes de téléchargement, il n'est pas dit que beaucoup de personnes dépensent 15 € pour avoir 19 morceaux qu'ils ont déjà certainement sur un autre best of et pour un inédit audible sur le premier YouTube venu.

Je me doute que Polnareff ne lira jamais ces lignes, mais moi qui retourne le voir le 11 novembre prochain, j'aimerais entendre du nouveau, me dire qu'il a encore quelque chose de neuf à proposer. Même si c'est un morceau instrumental au piano de 2 minutes, je suis preneur, en tout cas autrement plus preneur que pour un Polnabest au pied du sapin.

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