samedi 9 juillet 2016

Les disques à écouter une fois dans sa vie: The Beatles - Abbey Road


Come together
Something
Maxwell's silver hammer
Oh!Darling
Octopus's garden
I want you (she's so heavy)
Here comes the sun
Because
You never give me your money
Sun king
Mean Mr Mustard
Polythene Pam
She came in through the bathroom window
Golden slumbers
Carry that weight
The end
Her majesty

Paroles et musiques: John Lennon & Paul McCartney sauf:
"Something" et "Here comes the sun": paroles et musique: George Harrison
"Octopus's garden": paroles et musique: Richard Starkey

Production: George Martin

Durée: 47:02

Parution: 26 septembre 1969

A tout seigneur, tout honneur, inaugurons cette rubrique avec LE plus grand groupe de l'histoire de la musique pop-rock, j'ai nommé les Beatles bien sûr.

Petit flash-back: 1967, les quatre garçons dans le vent viennent de publier Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band, ils sont sur le toit du monde, rien ne peut leur arriver. Sauf que leur manager Brian Epstein meurt d'une overdose juste après cette parution. Or, bien plus que leur manager, il était surtout celui, encore plus que le producteur George Martin, qui parvenait à faire en sorte que le tandem Lennon/McCartney fonctionne en bonne intelligence et que l'un ne prenne jamais le pas sur l'autre. Et à partir de son décès, l'affaire va un peu partir en vrille.

Le groupe, sous l'impulsion de McCartney, va tourner le film "Magical mystery tour": si la BO est splendide, le film est un nanar de première et se fait lyncher par la critique. Puis c'est l'enregistrement du double White Album, génialement foutraque certes, mais qui part dans toutes les directions. Les Beatles fondent ensuite leur label Apple, qui va complètement se planter. Lennon s'amourache de Yoko Ono, et ça ne rend pas les choses plus simples, loin de là. Bref, l'horizon s'obscurcit pour les scarabées.

Alors McCartney leur dit "hé les gars, on va enregistrer un album tous ensemble dans des conditions live comme au bon vieux temps, on sera filmés pendant ce temps-là, ça s'appellera les "Get back sessions", ça va être super". Sauf que pas du tout. Harrison, de plus en plus frustré de ne pas pouvoir caser plus de ses compositions dans les albums, claque la porte pendant l'enregistrement. Lennon ne fait rien sans l'aval de Ono. Ringo Starr compte les points depuis sa batterie, et George Martin en fait de même depuis sa console. Bref, c'est le ratage total. Les bandes sont donc remisées, et ne seront publiées qu'en 1970 après la séparation du groupe sous l'album Let It Be (oui parce qu'il y a quand même quelques broutilles qui ont été enregistrées pendant ces sessions: "Let it be", "Get back", "Across the universe", "The long and winding road"...)

Alors les quatre compères et Martin acquièrent la conviction qu'ils ne pourront plus travailler ensemble. Trop de pressions, de divergences... Et qu'il faut donc partir sur une magnifique dernière note. Même s'ils ne se le disent pas, ils savent qu'en rentrant dans les studios Abbey Road au début de l'année 1969, c'est pour la dernière fois, en tout cas en tant que Beatles. Alors ils vont tout donner, et mettre une dernière fois leurs individualités au service du collectif.

L'album s'ouvre sur "Come together", composition de Lennon qui est déjà un univers à elle seule. Sans qu'elle soit techniquement compliquée, la façon de jouer de chacun confère à ce morceau un groove unique: les roulements de toms de Starr, la ligne de basse de McCartney, l'explosion mélodique sur le refrain... Du très grand art. Juste après arrive "Something" de Harrison, ballade amoureuse magnifiquement construite et arrangée en l'honneur de sa dulcinée (qui partira avec Clapton quelques années plus tard, mais cela ne nous...regarde pas), et qui sera reprise à de multiples reprises. Seule et unique fois d'ailleurs qu'une chanson de Beatle George figurera en face A d'un 45 tours, c'est dire sa qualité.

McCartney arrive après, avec deux compositions dans des styles qu'il affectionne particulièrement: mélodie bondissante et sautillante pour "Maxwell's silver hammer", crooner pour rire sur "Oh! Darling", sur laquelle il fait des dizaines de prises pour trouver LA voix qui lui convient, le tout le matin au réveil pour être sûr qu'elle se casse bien! On trouve ensuite le morceau habituel chanté par Ringo Starr, sauf qu'en plus cette fois, c'est lui qui l'écrit tout seul comme un grand (enfin officiellement, car officieusement Harrison lui a donné un bon coup de main). C'est donc "Octopus's garden" qui, malgré des paroles mélangeant psychédélisme et dernière année de maternelle ("Je voudrais être sous la mer dans le jardin d'une pieuvre avec toi"...) possède un charme instantané.

La face A du vinyle (hé oui, il faut raisonner comme ça pour comprendre la construction de l'album) se termine par le monstre du disque. "I want you (she's so heavy)", composition de Lennon qui, obsédé par les mantras répétitifs, construit ce morceau de plus de 7 minutes sur un riff de guitare ravageur qui gagne en intensité au fil des minutes. C'est totalement envoûtant, et en plus ça s'arrête brusquement en plein milieu d'une mesure histoire de déstabiliser un peu plus l'auditeur. Très grand morceau, lui aussi repris un nombre incalculable de fois, de Noir Désir aux Last Shadow Puppets.

On retourne le vinyle et voici le "Here comes the sun" de Harrison. Le choc est brutal après la chanson précédente, mais si les paroles de ce morceau sont objectivement complètement tartes, la mélodie est, elle, lumineuse sans mauvais jeu de mots. Les Beatles se rappellent ensuite que, sans être les égaux des Beach Boys ou des Byrds, ils ont toujours su soigner leurs harmonies vocales. "Because" de Lennon, inspirée de la sonate au clair de lune de Beethoven jouée à l'envers, est une nouvelle merveille.

Et puis on en arrive au fameux "medley de la face B". 8 morceaux, généralement très courts, agencés par McCartney et George Martin de façon à s'enchaîner parfaitement les uns aux autres. Et on retrouve en 16 minutes la quintessence de tout ce qui a fait les Beatles au cours de leurs huit années d'existence. Ballade ("Golden slumbers"), truc qui rock ("Polythene Pam"), machin planant ("Sun king"), un choeur rappelant celui de "Hey Jude" ("Carry that weight"), et, pour finir, "The end", qui offre à chacun des membres un solo de son instrument (oui oui, il y a un solo de batterie de Ringo Starr!) et conclut la carrière des Beatles par cette maxime: "And in the end, the love you take / Is equal to the love you make".

Alors, clap de fin? Et non, car les Beatles n'ont jamais rien fait comme tout le monde. 15 secondes de blanc et la première chanson cachée de l'histoire arrive! "Her majesty", 23 secondes de McCartney chantonnant avec sa guitare acoustique, et qui auraient dues être incluses dans le medley, mais que les Beatles ont décidé de glisser en toute fin d'album en guise de clin d'oeil.

A album grandiose, pochette grandiose. On pourrait écrire un roman sur la pochette de Abbey Road, on se contentera de dire que l'idée, finalement toute simple, de photographier les Beatles traversant le passage piétons situé devant les studios, était absolument géniale. Elle permit en plus d'alimenter la rumeur sur la mort de McCartney (les pieds nus, la cigarette dans la main droite, la plaque d'immatriculation de la voiture garée derrière...), bref, c'est du très lourd.

On finira en indiquant que les Beatles ont un temps songé à appeler ce disque Himalaya. Ils y ont renoncé parce que cela faisait quelque peu prétentieux. Et pourtant, c'est bien la face Nord de la pop qui est gravie au bout de ces 47 minutes.

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