Brown sugar
Sway
Wild horses
Can't you hear me knocking
You gotta move
Bitch
I got the blues
Sister morphine
Dead flowers
Moonlight mile
Paroles & musique: Mick Jagger & Keith Richards sauf:
"You gotta move": paroles & musique: Fred McDowell & Reverend Gary Davis
"Sister morphine": paroles & musique: Marianne Faithfull, Mick Jagger & Keith Richards
Production: Jimmy Miller
Durée: 46:25
Parution: 23 avril 1971
Troisième album, dans l'ordre chronologique, du fameux "carré magique" stonien, après Beggars Banquet et Let It Bleed, et avant Exile On Main Street, ces "doigts collants" agissent comme une énorme claque dans la figure de l'auditeur. Si Let It Bleed, pour cause notamment de décès de Brian Jones et de guerre du Vietnam, suintait la mort, Sticky Fingers sent lui le sexe et la drogue.
Dès l'entame, on sait qu'on tient un truc hors du commun. "Brown sugar", rien que ça, en entrée. Composition de Jagger, qui en avait fait au départ un truc lent et bluesy. Sous l'impulsion de Keith Richards, le groupe en fait un truc nerveux, tendu, porté par un riff assassin et, ô surprise, un solo de...saxophone de l'ami Bobby Keyes. Le final, avec ses "yeah yeah yeah, WWOOOO!!" fera de ce morceau un classique des concerts des Stones, et fera oublier au public le texte ô combien salace et à double sens, le "brown sugar" décrivant à la fois l'héroïne brune à laquelle carburait pas mal le groupe à l'époque, mais aussi les jeunes filles noires qui travaillaient dans les champs de coton du temps de la ségrégation. On peut légitimement trouver ces paroles affreusement sexistes ("Brown sugar / How can you taste so good?", fallait oser), n'empêche le parallèle fait par Jagger tout le long du morceau entre les deux sens du terme est réussi. Et puis de toute façon, avec un riff pareil, il aurait pu nous réciter le bottin ouzbèke, ça passait aussi, donc...
"Sway" débarque ensuite. Bien que signée Jagger/Richards, elle doit beaucoup au nouvel arrivant Mick Taylor. Très bon morceau, avec un rythme lancinant intéressant et un solo final de Taylor de toute beauté. Chose curieuse: sur ce morceau, les guitares sont tenues par Taylor et...Jagger, Richards se contentant de faire les choeurs. "Wild horses" ensuite, là c'est du très lourd. Richards, très fortement influencé par Gram Parsons, qu'il fréquentait beaucoup à l'époque, écrit cette ballade somptueuse à la 12 cordes, ballade évoquant en filigrane sa relation avec son fils. Jagger chante comme jamais, les contre-chants à la guitare électrique de Taylor sont juste là où il faut, c'est sublime.
"Can't you hear me knocking" ensuite, là c'est tout l'inverse. Ca commence presque normalement, ça finit en jam instrumentale furieuse, très fortement tournée vers les rythmes latinos (on sent que les Stones avaient beaucoup écouté Santana). Billy Preston (le gars des claviers de "Get back" des Beatles) est de la partie, Jimmy Miller le producteur est aux percus, il y a des congas de partout, Richards plante un solo acéré au final, c'est du très bon Stones faisant autre chose que du Stones.
Comme dans quasiment tout album des Stones qui se respecte, on a droit ensuite à la reprise blues, à savoir "You gotta move", interprété initialement par Fred McDowell. Pas le morceau du siècle, il faut bien avouer. Comme ça faisait longtemps qu'on n'avait pas parlé de sexe, "Bitch" embraye, avec son riff joué par des guitares ET des cuivres. Ca swingue de partout, morceau diablement efficace, beaucoup plus qu'en concert où il sonne souvent de façon brouillonne.
Les Stones jouent ensuite un de leurs propres blues, "I got the blues". Et alors là, pardon, mais c'est du grand art. Jagger chante magnifiquement bien, les cuivres sonnent, Billy Preston met son orgue de partout, et puis cet avant-dernier accord mineur sorti de nulle part... Du blues de première classe ça monsieur.
Et pour finir l'album, rien de moins que trois monstres.
"Sister morphine" d'abord, aux paroles écrites par Marianne Faithfull, ex-compagne de Jagger, sur un trip de cocaïne qui tourne mal. Morceau poisseux, angoissant, magnifié par une partie de slide guitar lugubre jouée par Ry Cooder. Les paroles sont cauchemardesques ("Le cri de l'ambulance résonne dans mes oreilles / Dis-moi, morphine ma soeur, depuis combien de temps suis-je couché ici? / Qu'est-ce que je fais ici? / Pourquoi le médecin n'a t-il pas de visage?")... Immense.
"Dead flowers" ensuite. Où l'influence de Gram Parsons se fait de nouveau sentir, mais de façon plus légère, plus country. Sur trois accords, les Stones nous racontent l'histoire d'une séparation qui tourne mal, et ça inspire Jagger qui écrit l'un de ses meilleurs textes. Il imagine ainsi que, pendant que son ex se pavanera avec des gens de la haute société, lui sera "dans sa cave avec une seringue, une cuillère, et une autre fille pour faire fuir son chagrin". Et ce refrain... "Tu peux m'envoyer des fleurs mortes tous les matins / Moi je n'oublierai pas de mettre des roses sur ta tombe". Brillant!
"Moonlight mile" enfin. Autre composition (mais non créditée...) de Taylor, avec Jagger et ce dernier aux guitares. Encore un rythme claudiquant, des arrangements de cordes fantastiques, et une partie de batterie de Charlie Watts du meilleur goût. Et c'est ainsi que se referme ce Sticky Fingers. Mentionnons bien évidemment la pochette, made in Andy Warhol, avec une vraie braguette sur les premiers pressages, et l'apparition, pour la première fois, au verso de la pochette du fameux logo stonien de la langue de Jagger. Et ce n'est pas la braguette de Jagger que l'on admire sur cette pochette, mais celle d'un acteur, Joe Dalessandro.
Dernière chose: vous voulez savoir à quoi ça ressemble, les Stones en 1971 écoutant une prise de "Wild horses"? Hé bien cliquez ci-dessous... Que ces cinq gars, qui font plus peur qu'autre chose (Richards fait défoncé, Watts et Taylor épuisés et/ou ailleurs, seul Jagger semble à peu près normal) aient pondu l'un des plus grands disques de l'histoire du rock (en plus de dizaines de morceaux grandioses évidemment) demeure une énigme!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire