dimanche 20 novembre 2016

The Cure, Lyon, Halle Tony Garnier, 17 novembre 2016

Nous y voilà donc. Vingt ans quasiment jour pour jour après avoir véritablement découvert ce groupe dans cette même salle, me revoici à un concert des Cure. En 1996, du haut de mes 16 ans, j'avais pris une énorme baffe musicale en assistant à la prestation de ces cinq chevelus. Moi qui ne possédais alors que le dernier album en date (l'inégal Wild Mood Swings) et le seul best of disponible à l'époque (Staring At The Sea), j'avais été subjugué par le charisme de Robert Smith, certaines chansons que je ne connaissais donc point et qui m'avaient retourné ("Cold" et "Push" notamment), bref j'étais devenu un fervent curiste.

Deux ans plus tard, le concert que les Cure donnèrent à Fourvière fut une douche froide. La faute à un Robert Smith passablement éméché qui ne se souvenait plus de la moitié des paroles, qui titubait sur scène, bref un véritable naufrage. A tel point que je n'avais pas assisté à la totalité du concert, partant au moment des rappels tellement cela était pathétique (les quelques vidéos disponibles de ce concert sur YouTube montrent l'ampleur de la catastrophe). Je les reverrai malgré tout à Lyon en 2004 dans un contexte bien particulier, puisqu'il s'agissait d'un concert organisé par MCM (qui à l'époque diffusait de la musique!), et les Cure avaient clôturé la soirée. Auparavant, il avait fallu assister à des prestations de groupes et artistes TRES divers, puisque s'étaient succédés De Palmas, Franz Ferdinand, Keane, Sinsemilia et No One Is Innocent. Les Cure avaient joué 9 titres (tous les tubes en fait), bref ce n'était pas des conditions optimales.

Et nous voici donc 12 ans plus tard dans cette même Halle, prêts à applaudir ce groupe inclassable, souvent imité, parfois parodié, mais toujours unique, pour ce qui ressemble fort à un dernier tour de piste avant extinction définitive des feux - rappelons que le dernier album studio, 4:13 Dream, remonte à 2008...

Depuis le début de la tournée, le groupe alternait les set-lists, les morceaux joués (plus de 80 différents déjà joués!), orientant la soirée, soit vers le versant pop du groupe, soit vers des rivages beaucoup plus sombres. Autant dire que j'espérais nettement la seconde option. Et je n'allais pas être déçu...

Pour cause d'arrivée tardive, je n'assiste qu'à la fin de la prestation de la première partie, les Twilight Sad. "Pas mal pour une première partie" comme dirait l'autre, bref ça s'écoute, sans pour autant se dire qu'on va se ruer sur leur disque en sortant de la salle. La salle justement: pleine comme un oeuf, 16.000 spectateurs présents, toutes les générations représentées, bref ça s'annonce bien.

21h05: les lumières s'éteignent, sauf celles du haut de la rangée de spots surplombant la scène, qui défilent lentement, un peu comme de la neige horizontale... C'est tout doux... Et là je me dis qu'on va entendre les clochettes de "Plainsong", le morceau qui ouvre l'album Disintegration, généralement considéré comme le meilleur du groupe. Et bingo, on commence à les distinguer par-dessus les hurlements de la foule.

Les cinq larrons en profitent pour rentrer sur scène: Reeves Gabrels (ex musicien de Bowie notamment) aux guitares, Jason Cooper à la batterie, l'inamovible Simon Gallup à la basse, Roger O'Donnell aux claviers, et bien évidemment le seul, l'unique Robert Smith. Toujours l'air d'un nounours tombé dans un pot de maquillage et qui aurait pris du jus dans les cheveux, mais en plus joufflu qu'avant, mais on s'en fiche, c'est comme ça qu'on l'aime.

Cooper fait claquer quatre fois ses baguettes, et pan, le morceau démarre et décolle direct, avec cette nappe de synthés millésimée, puis cette basse très mise en avant, avant que Robert Smith ne murmure ses premiers mots de la soirée: "I think it's dark, and it looks like rain" you said... C'est splendide, et le light-show en raccord ne fait que rajouter au côté majestueux du morceau. En plus de ça, le son est exceptionnellement bon pour la Halle Tony Garnier, ne touchez à rien les gars, on est biens.


Et histoire de bien nous faire comprendre qu'on va avoir du sombre ce soir, les voilà qu'ils nous jouent la suite de l'album en question dans l'ordre, soit les magnifiques "Pictures of you" et "Closedown". Tout est parfait, même si Smith n'est toujours pas un grand communiquant, à part parfois un "mewci" entre les morceaux. "A night like this" déboule derrière, ah mais c'est que c'est que du bonheur ça madame. Même si le solo de Reeves Gabrels est presque trop techniquement parfait pour du Cure, même si Smith ne va plus hurler son "I want to change it aaaaaaaall" à la fin, c'est du costaud.

Pas le temps de refroidir que l'intro de "Push" jaillit, avec un écran géant derrière qui prend sa pleine mesure. Sur ce morceau, comme sur tous les autres, Cooper à la batterie est énorme. Même si les p(c)uristes regrettent son côté technique et froid, ce type est un véritable monstre rythmique, qui tient toute la baraque avec Gallup à la basse. Le morceau déménage comme c'est pas permis, avec ce riff simple et efficace et ces paroles fédératrices ("Go go go", "No no no"). "In between days" ensuite comme premier gros tube de la soirée, et même si on se rend bien compte que Smith ne cherche plus à atteindre les notes les plus hautes, ça reste de très bonne facture. Et puis soudain le premier grand truc de la soirée: Smith s'approche du micro et annonce: "this is called "Three imaginary boys"". Ravissement général et grande surprise car morceau rarement joué et pourtant ô combien chéri des fans. Frissons tout le long du morceau, en plus Gabrels a pile poil le même son de gratte que la version originale pendant le solo. Et même si les "can you help me?" finaux sont moins hurlés qu'il y a 40 ans, on n'est pas loin de la syncope. La vidéo ci-dessous contient ce fabuleux enchaînement, accrochez vos ceintures.


Après un tel démarrage, soufflons un brin. Les Cure nous jouent un morceau peu connu et récent, l'honorable "Before three", un tube pour le grand public ("Lovesong"), et un autre morceau récent peu connu ("Sleep when I'm dead").

Puis voici un autre très grand moment de la soirée: les voilà qu'ils nous jouent "If only tonight we could sleep", morceau arabisant qui, sur scène, prend une dimension insoupçonnée. Surtout que Smith a l'air particulièrement ému en la chantant, et retrouve une profondeur de voix qu'on ne lui soupçonnait plus (ah ce "and the rain will cry, don't let it end..."). A noter un son de guitare grandiose sur son solo (à 1'55). Très beau moment de musique, avec encore un Jason Cooper au four et au moulin sur ce morceau.


Smith prend ensuite un flûtiau et un rythme militaire se fait entendre: je crois d'abord à "Empty world", c'est en fait "Burn", excellent morceau qu'ils avaient écrit pour la BO du film "The Crow". Ils nous jouent ensuite trois longs formats, et pas des moindres: "From the edge of the deep green sea" d'abord, parfait musicalement même si Bobby n'arrive plus à monter sur les "I wish I could just stop", "Prayers for rain" ensuite, où là par contre il arrive à nous faire cette fameuse note tenue, et "Disintegration" enfin, où malheureusement le clavier de O'Donnell, pourtant primordial sur ce titre, s'est retrouvé un peu sous-mixé.

Ils quittent la scène et reviennent pour un rappel, et quel rappel! 4 titres de Seventeen Seconds siouplaît, à savoir "At night", la trop rare "M", la "ooooooh oooh ooooooooh ooooooh" "Play for today", et bien évidemment l'inévitable "A forest" avec son intro, son solo, son final avec Gallup à la basse tout seul, bref toute la salle a de nouveau 15 ans et ça fait un bien fou.


Ils repartent, reviennent pour un nouveau rappel cette fois orienté pop. Nouvelle surprise avec l'apparition de la charmante "Catch", rarement jouée. Après, c'est l'usine à tubes: "The walk", "Friday I'm in love" (Smith très en voix), "Just like heaven" (idem) et enfin "Boys don't cry" (là moins par contre). On a toujours cette impression de voyage dans le temps réussi, et même pas nostalgique, c'est du grand art.




Ils s'en vont et...reviennent pour un troisième rappel, toujours en mode "on vous a gardé les tubes pour la fin histoire de vous donner la patate". "Lullaby" d'abord, avec un light-show magnifique et un Smith faisant l'andouille sur le final.


"Hot hot hot!!!" ensuite, qui passe bien mieux en version rock qu'avec les synthés cheap de la verison originale. "C'est la chenille qui...", ah non pardon "The caterpillar" derrière, tout le monde fait "ouh ouh ouh", grosse ambiance. Sur "Let's go to bed" en revanche, Smith va vraiment coincer vocalement (et il va montrer sa gorge en riant d'ailleurs), on sent qu'il a atteint ses limites, m'enfin après 2h35 de concert c'est pas un scandale non plus.


Heureusement "Close to me" qui suit est moins exigeante vocalement, et puis pour terminer "Why can't I be you?" qui nous fait nous égosiller une dernière fois. A la fin, Robert Smith arpente la scène tout seul, saluant et remerciant longuement le public, faisant ainsi comprendre que, même s'il ne communique pas beaucoup entre les morceaux, il est ravi d'être sur scène. Ca se ressentait aussi chez Gallup et Gabrels, très complices pendant le concert. Cooper et O'Donnell sont par contre toujours en lice pour le concours du "visage le plus inexpressif du monde pendant un concert", mais ils ont toujours été comme ça, donc...

2h40 de concert, 30 morceaux, sachant que les 2/3 de la set-list sont remaniés entre deux concerts histoire de varier les plaisirs, pour un tarif  "raisonnable" pour un groupe de ce calibre (les places étaient à 60 € en moyenne), franchement il n'y avait strictement rien à dire. On peut évidemment regretter que tel ou tel morceau n'ait pas été joué, que Smith ne chante plus vraiment comme avant, mais par rapport au véritable bonheur ressenti pendant 2h40, ça ne compte pas beaucoup. Je suis prêt à parier que les 16.000 spectateurs de jeudi soir ont, pendant le concert, non seulement oublié leurs soucis du quotidien, mais en plus fait une plongée revigorante dans leur jeunesse. Si jamais les Cure s'arrêtaient à l'issue de cette tournée, ce serait sur le papier dommage, mais ils partiraient sur une merveilleuse note et un formidable cadeau fait à leurs fans.

Vraiment, un TRES grand bravo à eux cinq, et mon vilain souvenir de Fourvière 1998 est désormais balayé!

Plainsong (Disintegration)
Pictures of you (Disintegration)
Closedown (Disintegration)
A night like this (The Head On The Door)
Push (The Head On The Door)
In between days (The Head On The Door)
Three imaginary boys (Three Imaginary Boys)
Before three (The Cure)
Lovesong (Disintegration)
Sleep when I'm dead (4:13 Dream)
If only tonight we could sleep (Kiss Me Kiss Me Kiss Me)
Burn (BO The Crow)
From the edge of the deep green sea (Wish)
Prayers for rain (Disintegration)
Disintegration (Disintegration)

At night (Seventeen Seconds)
M (Seventeen Seconds)
Play for today (Seventeen Seconds)
A forest (Seventeen Seconds)

Catch (Kiss Me Kiss Me Kiss Me)
The walk (Japanese Whispers)
Friday I'm in love (Wish)
Just like heaven (Kiss Me Kiss Me Kiss Me)
Boys don't cry (Boys Don't Cry)

Lullaby (Disintegration)
Hot hot hot!!! (Kiss Me Kiss Me Kiss Me)
The caterpillar (The Top)
Let's go to bed (Japanese Whispers)
Close to me (The Head On The Door)
Why can't I be you? (Kiss Me Kiss Me Kiss Me)

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