Plainsong
Pictures of you
Closedown
Lovesong
Last dance
Lullaby
Fascination street
Prayers for rain
The same deep water as you
Disintegration
Homesick
Untitled
Paroles: Robert Smith.
Musique: Robert Smith, Simon Gallup, Roger O'Donnell, Porl Thompson, Boris Williams & Lol Tolhurst.
Production: David Allen & Robert Smith.
Durée: 71:47
Date de parution: 2 mai 1989
Fin 1988: Robert Smith est mal en point. Pourtant, sur le papier, tout baigne. Les Cure n'ont alors jamais été aussi populaires, ayant sorti coup sur coup deux albums (The Head On The Door et Kiss Me Kiss Me Kiss Me) remplis de tubes. Il file toujours le parfait amour avec sa copine d'enfance Mary qu'il va d'ailleurs épouser. Bref, a priori, tout va bien.
Sauf qu'en fait pas du tout. Smith traverse en réalité une nouvelle phase dépressive, notamment (mais pas uniquement) due au fait qu'il va atteindre la barre des 30 ans, et que cela l'effraie tout particulièrement. Il va donc s'enfermer chez lui et élaborer des demos fignolées jusqu'aux moindres détails. Si Kiss Me Kiss Me Kiss Me était un véritable effort collectif, et pas que sur le papier (les chansons étaient signées de tous les membres du groupe, et certaines ont été écrites par d'autres que Smith, notamment "If only tonight we could sleep" par Porl Thompson et "The perfect girl" par Simon Gallup), l'album qui va suivre est avant tout celui de Robert Smith. Qui va aussi se remettre à écrire des textes extrêmement personnels, voire même, pour l'un d'entre eux comme on le verra, totalement autobiographique.
En plus de ça, Smith doit gérer le cas problématique d'un des membres du groupe, à savoir Laurence "Lol" Tolhurst. Qui n'est pas n'importe quel membre, puisque le seul, avec Smith, à avoir été jusque là de tous les albums depuis le tout début du groupe. Un membre qui est passé de la batterie, dont il jouait de façon très basique - mais ce qui fait partie intégrante du "son" Cure des débuts, cf. "Boys don't cry" par exemple - aux claviers, qu'il a appris sur le tas, avec un niveau digne d'un enfant de 5 ans - j'exagère à peine. Si Tolhurst n'amène plus grand-chose musicalement au groupe, c'est son alcoolisme chronique qui pose un sérieux problème à Smith et ses copains. En résumé, le gars est constamment bourré du matin au soir, et personne, même en s'en prenant à lui physiquement pour le faire réagir, ne parvient à lui faire remonter la pente.
Smith doit se rendre à l'évidence, Tolhurst ne peut pas demeurer plus longtemps au sein des Cure. Il va donc le congédier par lettre (!) durant l'enregistrement de l'album, tout en étant quand même relativement classe puisque le faisant figurer dans les crédits de composition des titres, ainsi que comme membre à part entière du groupe (figure en face de son nom la mention suivante: "other instruments", ce qui veut tout dire!). Le reste se finira devant les tribunaux, Tolhurst s'estimant spolié de certaines royalties. Il perdra son procès mais se rabibochera finalement avec Smith, faisant même quelques apparitions avec le groupe ces dernières années.
Smith va donc décider d'embaucher à temps complet celui qui doublait depuis quelques mois Tolhurst aux claviers, à savoir Roger O'Donnell. Et le son du groupe va s'en trouver profondément changé. Car, si sur les derniers albums en date, les sons des claviers des Cure sonnaient assez cheap (les faux cuivres sur "Why can't I be you" sont collector), il n'en va pas aller du tout de même sur le disque à venir. O'Donnell maîtrise parfaitement les sonorités de ses machines, et comprend aussi parfaitement où Smith veut aller. Ses synthés vont littéralement envelopper tout l'album, dont Robert Smith a annoncé aux autres membres le titre alors même qu'ils n'ont pas encore enregistré une note: ce sera Disintegration. Pas "La salsa du démon" donc. Quelque chose de relativement sombre.
Histoire d'obscurcir davantage le tableau, Robert Smith va se mettre à consommer des drogues hallucinogènes, et notamment du LSD, en quantité non négligeable pendant l'enregistrement du disque. En théorie donc, Disintegration a tout pour devenir le petit frère du mortifère Pornography, sorti sept ans auparavant et dont de nombreux fans des Cure ne se sont jamais remis.
Et pourtant... Si Disintegration peut se voir qualifier de profondément mélancolique et/ou nostalgique, il ne va jamais aller aussi loin que son sombrissime aîné. Et quelque part tant mieux. Car, si Pornography est un album extraordinaire au sens premier du terme, il n'est pas interdit de le trouver par certains côté trop excessif, voire presque trop complaisant dans sa quête du "toujours plus glauque". Disintegration ne va pas aller chasser sur ses terres trop reculées, se contentant d'aller s'allonger dans la neige par une nuit de pleine lune. Hé oui, c'est ce sentiment-là que peut donner cet album lorsqu'on l'écoute attentivement.
A album grandiose, démarrage d'album grandiose. Comme on n'imagine pas The Dark Side Of The Moon démarrer autrement que par un battement cardiaque, ou Who's Next commencer par autre chose que le synthé fou de "Baba O'Riley", on n'imagine plus Disintergation attaquer par autre chose que les clochettes maladives de "Plainsong". Des clochettes qui baissent légèrement d'intensité, un bruit de cymbale bidouillé, et d'un coup Boris Williams et surtout Roger O'Donnell qui ouvrent grand les portes du cerveau de l'auditeur. Les instruments prennent peu à peu place sur ce rythme lent, avant que Robert Smith ne se mette à susurrer: " "I think it's dark and it looks like rain" you said..." C'est quasiment impossible de ne pas se laisser embarquer par ce morceau d'ouverture, très largement instrumental, tellement les arrangements sont d'une majestuosité rarement entendue dans un disque sorti dans les années 80.
"Pictures of you" débarque ensuite, et là on réalise la somme de boulot astronomique qu'il a fallu au groupe pour parvenir à un tel résultat. Car, si on prend les choses de façon brute, 80 % de la chanson réside dans un enchaînement de deux accord (la majeur / ré majeur) que n'importe quel guitariste débutant peut jouer au bout de 4 mois d'apprentissage. Pourtant, Smith et ses acolytes tirent de cette apparente simplicité un joyau absolu. L'enchevêtrement des instruments est ahurissant de précision et d'inventivité, les paroles de Smithounet se lamentant d'avoir perdu un être aimé sont bouleversantes. Conclure un tel morceau par les paroles suivantes: "Il n'y avait rien au monde que je n'ai jamais voulu davantage / Que de te sentir au plus profond de mon coeur / Il n'y avait rien au monde que je n'ai jamais voulu davantage / Que de ne jamais sentir se briser en morceaux toutes mes images de toi", c'est quand même très très beau.
"Closedown" derrière réussit l'exploit de synthétiser les deux morceaux précédents. Majoritairement instrumental et basé essentiellement sur deux accords tournant en boucle (la majeur / si mineur), avec une partie de batterie de Boris Williams splendide, un solo de guitare tout simple mais tellement émouvant... Les Cure en état de grâce, tout bonnement.
Et puis sans crier gare, voici "Lovesong" qui débarque. Une chanson "normale", pop, un peu mélancolique quand même, avec des paroles extrêmement directes: "However far away / I will always love you / However long I stay / I will always love you / Whatever words I say / I will always love you". On apprendra plus tard que cette chanson constitue le cadeau de mariage de Robert Smith à son épouse, d'où ce texte apparemment simplissime, mais en réalité scotchant quand on connaît les tourments habituels du leader des Cure. En prime, la chanson marchera très bien en single.
"Last dance", pas mal mais pas impérissable non plus, fait figure de pause, avant que l'OVNI du disque ne surgisse. "Lullaby", hé oui. Premier single tiré de l'album, et plus gros carton du groupe en Angleterre. Et c'est amplement mérité. Car, sous ses aspects cartoonesques, avec ce clip où Smith apparaît en homme-araignée et en victime de ce dernier - référence directe aux paroles - cette chanson est extrêmement élaborée. Les arrangements sont une nouvelle fois dantesques - il y a pourtant uniquement deux accords pendant 80 % du morceau! - et les paroles de très haute volée. Car si on peut les prendre au premier degré, on peut aussi les interpréter comme une métaphore, le "spider-man" pouvant prendre la forme de la drogue ou d'un pédophile au gré des interprétations... Et tout ça sous le titre de "Berceuse"... Il fallait oser.
"Fascination street", bien que très différente de premier abord, est sensiblement du même calibre. Mais ses arrangements méritent qu'on s'y attarde un moment.
- de 0' à 0'28: duo batterie/basse monstrueux, avec un synthé sifflant derrière
- de 0'29 à 1'06: une ligne de guitare solo se rajoute, jouant une autre mélodie
- de 1'06 à 1'25: petite pause, la batterie s'éclipse, on respire un peu
- de 1'25 à 1'44: la batterie revient, et une deuxième guitare, plus agressive, débarque. La ligne de basse est toujours la même, mais cette nouvelle guitare vient jouer une mélodie différente de la première.
- de 1'44 à 2'03: voilà que le synthé joue un thème instantanément mémorisable. La première guitare disparaît progressivement.
Après il y a une accalmie, le chant qui démarre, puis de 3'20 à 4'17, on a une minute instrumentale de folie furieuse, tous les instruments précités se mêlent les uns aux autres pour former un maelström musical hallucinant. Rajoutez à cela des paroles là encore à double sens (la "Fascination street" est-elle un clin d'oeil à la "Bourbon street" ou une ode à la fellation???...), et vous obtenez un très très grand titre.
L'auditeur est à peine remis de ces émotions qu'un riff de guitare lointain se fait entendre, puis se fait de plus en plus menaçant, jusqu'à l'arrivée de tout le groupe. "Prayers for rain", grand classique du groupe en concert, avec cette note tenue de Smith qui flanque des frissons à chaque écoute. On se demande un peu où cette déferlante d'émotions à peine contenues va s'arrêter.
Et là, nous arrivons sous l'eau. "The same deep water as you" et ses 9 minutes et 19 secondes (!) au compteur. Morceau totalement atmosphérique, où on a l'impression de dériver tout doucement au fil de l'eau. Un orage clôt cette chanson totalement à part dans la discographie des Cure, Smith murmurant plus que chantant... Troublant, très troublant.
On est encore tout engourdi quand un fracas de verre brisé résonne: l'intro de "Disintegration" s'annonce, avec son petit riff de synthé bien efficace et ses paroles pas des plus comiques ("Songs about happiness murmured in dreams / When we both of us knew how the end always is...). L'album aurait pu s'arrêter là, surtout que le seul faux pas - à mon humble avis évidemment - intervient juste après avec ce "Homesick" complètement à côté de la plaque. Alors que tout le reste du disque est d'une rare inventivité mélodique, le groupe se fourvoie complètement avec ce truc vaguement jazzy qui cherche désespérément sa voie.
Heureusement, la très chouette "Untitled" vient refermer ce disque avec autrement de brio, et sur une note même pas triste.
On regarde le chronomètre: plus de 71 minutes ont défilé depuis le début de l'album, et c'est peu dire qu'on ne les a pas vu passer. La marque des très grands disques, indubitablement. Histoire de bien montrer combien ce disque lui est cher, Smith décide que, pour la première fois dans l'histoire des Cure, son visage apparaîtra sur la pochette du disque - il refera le coup avec Bloodflowers en 2000. Et effectivement, sa tête apparaît au milieu d'éléments semblant baigner dans un liquide vert-bleu. Et son regard semble supplier l'auditeur de l'écouter, bref cette pochette est à l'image du disque: troublante.
La tournée qui suivra (le "Prayers Tour") est désormais unanimement considérée comme l'apogée musical du groupe, qui aura également réussi un excellent coup commercial, Disintegration faisant un carton mondial. Par la suite, le groupe, bien que subissant d'incessants changements de personnel, ne se "désintégrera" pas, continuant à publier des disques oscillant entre le très bon et le quelconque. Mais plus aucun n'aura la puissance émotionnelle de Disintegration, qu'on peut sans trop s'avancer considérer comme le meilleur disque des Cure.
Pour conclure, une preuve que Smith avait vraiment une idée très précise de ce qu'il voulait: écoutez la version définitive de "Pictures of you" (enfin en l'occurrence la version single):
Et écoutez la demo de Robert Smith réalisée tout seul chez lui:
Les idées étaient déjà très avancées!
Histoire d'obscurcir davantage le tableau, Robert Smith va se mettre à consommer des drogues hallucinogènes, et notamment du LSD, en quantité non négligeable pendant l'enregistrement du disque. En théorie donc, Disintegration a tout pour devenir le petit frère du mortifère Pornography, sorti sept ans auparavant et dont de nombreux fans des Cure ne se sont jamais remis.
Et pourtant... Si Disintegration peut se voir qualifier de profondément mélancolique et/ou nostalgique, il ne va jamais aller aussi loin que son sombrissime aîné. Et quelque part tant mieux. Car, si Pornography est un album extraordinaire au sens premier du terme, il n'est pas interdit de le trouver par certains côté trop excessif, voire presque trop complaisant dans sa quête du "toujours plus glauque". Disintegration ne va pas aller chasser sur ses terres trop reculées, se contentant d'aller s'allonger dans la neige par une nuit de pleine lune. Hé oui, c'est ce sentiment-là que peut donner cet album lorsqu'on l'écoute attentivement.
A album grandiose, démarrage d'album grandiose. Comme on n'imagine pas The Dark Side Of The Moon démarrer autrement que par un battement cardiaque, ou Who's Next commencer par autre chose que le synthé fou de "Baba O'Riley", on n'imagine plus Disintergation attaquer par autre chose que les clochettes maladives de "Plainsong". Des clochettes qui baissent légèrement d'intensité, un bruit de cymbale bidouillé, et d'un coup Boris Williams et surtout Roger O'Donnell qui ouvrent grand les portes du cerveau de l'auditeur. Les instruments prennent peu à peu place sur ce rythme lent, avant que Robert Smith ne se mette à susurrer: " "I think it's dark and it looks like rain" you said..." C'est quasiment impossible de ne pas se laisser embarquer par ce morceau d'ouverture, très largement instrumental, tellement les arrangements sont d'une majestuosité rarement entendue dans un disque sorti dans les années 80.
"Pictures of you" débarque ensuite, et là on réalise la somme de boulot astronomique qu'il a fallu au groupe pour parvenir à un tel résultat. Car, si on prend les choses de façon brute, 80 % de la chanson réside dans un enchaînement de deux accord (la majeur / ré majeur) que n'importe quel guitariste débutant peut jouer au bout de 4 mois d'apprentissage. Pourtant, Smith et ses acolytes tirent de cette apparente simplicité un joyau absolu. L'enchevêtrement des instruments est ahurissant de précision et d'inventivité, les paroles de Smithounet se lamentant d'avoir perdu un être aimé sont bouleversantes. Conclure un tel morceau par les paroles suivantes: "Il n'y avait rien au monde que je n'ai jamais voulu davantage / Que de te sentir au plus profond de mon coeur / Il n'y avait rien au monde que je n'ai jamais voulu davantage / Que de ne jamais sentir se briser en morceaux toutes mes images de toi", c'est quand même très très beau.
"Closedown" derrière réussit l'exploit de synthétiser les deux morceaux précédents. Majoritairement instrumental et basé essentiellement sur deux accords tournant en boucle (la majeur / si mineur), avec une partie de batterie de Boris Williams splendide, un solo de guitare tout simple mais tellement émouvant... Les Cure en état de grâce, tout bonnement.
Et puis sans crier gare, voici "Lovesong" qui débarque. Une chanson "normale", pop, un peu mélancolique quand même, avec des paroles extrêmement directes: "However far away / I will always love you / However long I stay / I will always love you / Whatever words I say / I will always love you". On apprendra plus tard que cette chanson constitue le cadeau de mariage de Robert Smith à son épouse, d'où ce texte apparemment simplissime, mais en réalité scotchant quand on connaît les tourments habituels du leader des Cure. En prime, la chanson marchera très bien en single.
"Last dance", pas mal mais pas impérissable non plus, fait figure de pause, avant que l'OVNI du disque ne surgisse. "Lullaby", hé oui. Premier single tiré de l'album, et plus gros carton du groupe en Angleterre. Et c'est amplement mérité. Car, sous ses aspects cartoonesques, avec ce clip où Smith apparaît en homme-araignée et en victime de ce dernier - référence directe aux paroles - cette chanson est extrêmement élaborée. Les arrangements sont une nouvelle fois dantesques - il y a pourtant uniquement deux accords pendant 80 % du morceau! - et les paroles de très haute volée. Car si on peut les prendre au premier degré, on peut aussi les interpréter comme une métaphore, le "spider-man" pouvant prendre la forme de la drogue ou d'un pédophile au gré des interprétations... Et tout ça sous le titre de "Berceuse"... Il fallait oser.
"Fascination street", bien que très différente de premier abord, est sensiblement du même calibre. Mais ses arrangements méritent qu'on s'y attarde un moment.
- de 0' à 0'28: duo batterie/basse monstrueux, avec un synthé sifflant derrière
- de 0'29 à 1'06: une ligne de guitare solo se rajoute, jouant une autre mélodie
- de 1'06 à 1'25: petite pause, la batterie s'éclipse, on respire un peu
- de 1'25 à 1'44: la batterie revient, et une deuxième guitare, plus agressive, débarque. La ligne de basse est toujours la même, mais cette nouvelle guitare vient jouer une mélodie différente de la première.
- de 1'44 à 2'03: voilà que le synthé joue un thème instantanément mémorisable. La première guitare disparaît progressivement.
Après il y a une accalmie, le chant qui démarre, puis de 3'20 à 4'17, on a une minute instrumentale de folie furieuse, tous les instruments précités se mêlent les uns aux autres pour former un maelström musical hallucinant. Rajoutez à cela des paroles là encore à double sens (la "Fascination street" est-elle un clin d'oeil à la "Bourbon street" ou une ode à la fellation???...), et vous obtenez un très très grand titre.
L'auditeur est à peine remis de ces émotions qu'un riff de guitare lointain se fait entendre, puis se fait de plus en plus menaçant, jusqu'à l'arrivée de tout le groupe. "Prayers for rain", grand classique du groupe en concert, avec cette note tenue de Smith qui flanque des frissons à chaque écoute. On se demande un peu où cette déferlante d'émotions à peine contenues va s'arrêter.
Et là, nous arrivons sous l'eau. "The same deep water as you" et ses 9 minutes et 19 secondes (!) au compteur. Morceau totalement atmosphérique, où on a l'impression de dériver tout doucement au fil de l'eau. Un orage clôt cette chanson totalement à part dans la discographie des Cure, Smith murmurant plus que chantant... Troublant, très troublant.
On est encore tout engourdi quand un fracas de verre brisé résonne: l'intro de "Disintegration" s'annonce, avec son petit riff de synthé bien efficace et ses paroles pas des plus comiques ("Songs about happiness murmured in dreams / When we both of us knew how the end always is...). L'album aurait pu s'arrêter là, surtout que le seul faux pas - à mon humble avis évidemment - intervient juste après avec ce "Homesick" complètement à côté de la plaque. Alors que tout le reste du disque est d'une rare inventivité mélodique, le groupe se fourvoie complètement avec ce truc vaguement jazzy qui cherche désespérément sa voie.
Heureusement, la très chouette "Untitled" vient refermer ce disque avec autrement de brio, et sur une note même pas triste.
On regarde le chronomètre: plus de 71 minutes ont défilé depuis le début de l'album, et c'est peu dire qu'on ne les a pas vu passer. La marque des très grands disques, indubitablement. Histoire de bien montrer combien ce disque lui est cher, Smith décide que, pour la première fois dans l'histoire des Cure, son visage apparaîtra sur la pochette du disque - il refera le coup avec Bloodflowers en 2000. Et effectivement, sa tête apparaît au milieu d'éléments semblant baigner dans un liquide vert-bleu. Et son regard semble supplier l'auditeur de l'écouter, bref cette pochette est à l'image du disque: troublante.
La tournée qui suivra (le "Prayers Tour") est désormais unanimement considérée comme l'apogée musical du groupe, qui aura également réussi un excellent coup commercial, Disintegration faisant un carton mondial. Par la suite, le groupe, bien que subissant d'incessants changements de personnel, ne se "désintégrera" pas, continuant à publier des disques oscillant entre le très bon et le quelconque. Mais plus aucun n'aura la puissance émotionnelle de Disintegration, qu'on peut sans trop s'avancer considérer comme le meilleur disque des Cure.
Pour conclure, une preuve que Smith avait vraiment une idée très précise de ce qu'il voulait: écoutez la version définitive de "Pictures of you" (enfin en l'occurrence la version single):
Et écoutez la demo de Robert Smith réalisée tout seul chez lui:
Les idées étaient déjà très avancées!
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