lundi 10 juillet 2017

Midnight Oil, Paris, Olympia, 6 juillet 2017

Il y a les groupes qui vous marquent à l'adolescence. Il y a les groupes que vous découvrez ensuite, avec forcément une oreille un peu plus avertie et critique. Et puis il y a ceux que vous avez découverts avant tout cela. Ceux qui font quasiment partie de votre ADN tellement vous avez écouté leurs disques. Pour mon humble pomme, ce fut le cas avec Midnight Oil et Diesel And Dust. Lorsque j'avais 7-8 ans et que je regardais le Top 50, entre un titre de Début De Soirée et deux titres de François Feldman, deux clips d'un groupe australien m'avaient particulièrement marqué, notamment via la personnalité de leur charismatique chanteur, le géant chauve Peter Garrett. Deux-trois ans plus tard, grâce à mon argent de poche, j'acquérais Diesel And Dust, puisque j'avais réussi à déchiffrer (difficilement vu la police employée!) au verso de la pochette les titres des deux chansons qui m'avaient tant plu, "Beds are burning" et "The dead heart".

Depuis ce temps, je suis resté fidèle aux Australiens, malgré leur perte de popularité en-dehors de leurs contrées, puis malgré leur mise en sommeil. Les membres du groupe ne restaient toutefois pas inactifs, Jim Moginie ayant publié deux albums, Rob Hirst ayant multiplié les divers projets, et Bones Hillman et Martin Rotsey s'étant également bien occupés, collaborant même souvent les uns avec les autres.

Et puis 2016 a sonné la fin de la récréation (longue quand même, depuis 2002...), quand Garrett a laissé de côté sa carrière politique et a renoué avec la musique avec son album solo, le très bon A Version Of Now. Ca a discuté, et le groupe a décidé de reprendre la route pour une grande tournée mondiale doublée de la sortie de plein de CD/DVD réédités/recompilés pour l'occasion. Peut-être une petite arrière-pensée mercantile diront certains, mais il ne faut pas oublier, comme rappelé plus haut, que les membres du groupe n'avaient jamais cessé de rester en contact les uns avec les autres, et étaient restés en excellents termes. Pas de vieilles rancoeurs, d'engueulades sur des royalties, bref des amis avant tout, qui décident de remettre (une dernière fois?) le couvert.

Et la fanbase française, bien que peu importante en terme de nombre d'unités, était on ne peut plus impatiente de voir la formation enfin sur scène. Pour les plus chanceux, cela faisait "seulement" 15 ans qu'ils n'avaient pas vu le groupe live. Pour les autres, cela faisait encore plus longtemps, voire, me concernant, c'était la première fois que j'avais l'occasion de les voir.

A 20h00 la première partie fait son entrée: The G. Un batteur, un guitariste, les deux chantent. D'emblée, on est frappé par l'apparente jeunesse de ces deux musiciens. J'apprendrai plus tard qu'il s'agit de deux frères corses de...13 et 16 ans! A noter que le gratteux présente une ressemblance frappante avec Marc Bolan, ressemblance que je le soupçonne de cultiver... Musicalement, c'est à la fois bluffant et un peu redondant. Bluffant car, malgré leur jeunesse, tout tombe hyper carré, y'a pas une note à côté, ça sonne vraiment pro, et ce qui n'était pas forcément gagné vu qu'au sein d'un même morceau il n'y a pas vraiment de structure couplets/refrain, ça part un peu dans tous les sens tout en restant hyper maîtrisé. Un peu redondant car, certes c'est hyper explosif, mais beaucoup de plans sonnent déjà entendus ailleurs. Et puis franchement, ne pas arrêter de dire des "thank you very much are you ready?" alors qu'on est français et qu'on joue à l'Olympia... Je veux bien qu'il y ait eu quelques anglo-saxons dans la salle, mais de là à se la jouer autant, j'ai trouvé ça un peu too much. Mais bon, un brin de folie juvénile ne fait jamais de mal!

Ils quittent la scène à 20h30, et la tension commence à sérieusement monter. A 21h00 les lumières s'éteignent et la musique de "Blade Runner" (composée par Vangelis) s'élève dans l'Olympia. Choix un peu curieux (c'est assez éloigné du style Oilesque) mais qui pose tout de suite son homme. Les 5 silhouettes se découpent les unes après les autres: Jim Moginie (guitares, claviers, chapeau), Rob Hirst (batterie, choeurs, voire voix lead), Martin Rotsey (guitares), Bones Hillman (basse, choeurs) et bien évidemment l'immense (dans tous les sens du terme) Peter Garrett. Les profils se sont un peu empâtés (sauf Garrett et Hillman), les cheveux ont un peu blanchi (sauf Garrett aussi, mais là il partait avec un sérieux avantage), mais ces soixantenaires sont encore fort vaillants.

Et vlan, ils bazardent la très stoner "Redneck wonderland". L'Olympia est en fusion, le son est parfait, tabassant juste ce qu'il faut sans outrance, les guitares ne masquant pas les voix, le light-show est à la fois sobre et efficace, et Garrett a conservé son jeu de scène évoquant Nosferatu s'étant pris du 220 volts. Bref, on est bien (de 0' à 5'25 sur la vidéo):


Même pas le temps de souffler, "Too much sunshine" derrière. Ca va à fond la caisse, difficile d'imaginer que cela faisait 15 ans que les gars n'avaient pas joué ensemble. Ca joue hyper soudé, c'est hyper pêchu, les voix sont là, ne touchez à rien. 3ème morceau: "Truganini". Ah ouais d'accord, là tout de suite un de leurs 10 meilleurs titres, sans prévenir, OK OK, ça va être du lourd ce soir. L'harmonica de Garrett, les giclées de guitares électriques, la ligne de basse mammouth, les voix sur les refrains, tout y est. A noter que le groupe innove sur cette tournée: visiblement, ça ne devait pas convenir au batteur Rob Hirst d'avoir un micro sous son nez pendant tout un concert, donc un roadie dissimulé derrière un paravent lui rapprochait ou lui éloignait le micro pendant les morceaux suivant s'il devait chanter ou pas! Original pour le moins.



Case "morceau très peu connu mais c'est une tuerie quand même" cochée ensuite avec "E-Beat", puis c'est l'ultra-efficace "King of the mountain" qui suit. Exhumation de "No time for games" (1980 quand même) qui, débarrassée du son très daté de la version originale, s'en tire très bien.

Je suis à deux doigts de défaillir quand les arpèges de l'intro de "Stars of Warburton", une de mes préférées, résonnent dans l'Olympia. Mais qu'est-ce que c'est beau nom de t'cheu... Les voix sur le pont à 2'35...


Et hop, "Sell my soul" pour embrayer. Là, on en est à se demander s'ils vont lever le pied à un moment donné tellement ce qu'ils donnent à voir et à entendre est d'une rare intensité. La cohésion des 5 membres - rejoint sur certains titres par un sixième gars capable de jouer du clavier, de la trompette ou du tambourin, l'histoire ne disant pas s'il sait monter un meuble Ikéa en même temps - fait plaisir à voir, on sent qu'ils ne trichent pas, qu'ils sont là pour faire plaisir et se faire plaisir (de 5'28 à 9').


Enfin une pause avec la délicate "Maralinga", sur l'intro de laquelle on mesure ce que c'est qu'un groupe qui a confiance en lui. En effet, alors que "Sell my soul" vient de se terminer, Garrett va sur le côté de la scène et se fait remettre en place le fil de son retour oreillette, qui visiblement avait du se perdre dans son pantalon et/ou dans sa chemise, et qui le gênait considérablement. Voyant cela, les 4 autres se regardent et...attaquent le morceau quand même. Garrett n'a même pas l'air surpris ou affolé, non, on sent qu'ils se disent "si c'est fini à temps, tant mieux, sinon on saura quoi faire de toutes façons". Impressionnants de sérénité et de maîtrise les gars.

Accalmie de courte durée puisque "Hercules" vient tout raser derrière. Arrive ensuite l'instant émotion du concert. "My country" jouée uniquement avec Moginie au piano, Garrett au chant et Hirst (compositeur de cette tuerie entre parenthèses) et Hillman aux choeurs. Relativement bouleversant, d'ailleurs personne n'a eu la présence d'esprit de la filmer visiblement!

Hirst toujours: on lui amène un kit batterie sur le devant de la scène et le voici qui partage le lead vocal avec Garrett sur "When the generals talk". Pas ma préférée, mais bon, elle passe vachement bien en live, et puis de toutes façons on en est à un point où ils pourraient lire un mode d'emploi en norvégien d'une tondeuse à gazon sur l'air de "Tirelipinpon sur le chiouaoua" que je trouverais ça formidable.

Arrive ensuite une magnifique ballade que je ne connaissais point, "Ships of freedom". Renseignement pris, c'est une obscure face B, et preuve qu'on était entre malades mentaux, mon voisin de fosse la connaissait par coeur.

Après une présentation très bon enfant des musiciens, "Kosciusko" démarre en mode acoustique pur, avec Hirst en lead vocal. Deux guitares 12 cordes, 4 voix aux refrains, ça devient indécent de beauté. Deuxième partie du morceau 100% électrique en revanche, enchaînée en plus avec la quasi punk "Only the strong". C'est un véritable bombardement musical qui nous atteint, mais c'est pas désagréable.



Hirst calme le jeu ensuite en imprimant un rythme assez lent, qu'on n'identifie pas tout de suite...jusqu'à ce que Rotsey sorte sa 12 cordes. Ohlala, "Arctic world"! Un sommet d'émotion, tout en finesse et en subtilité, d'ailleurs elle aussi personne ne l'a filmée!

Et là, tout le monde se demande: "vont-ils enchaîner comme sur Diesel And Dust par "Warakurna"? Hé...bien...ouiiiii!!!! Bon, alors là, c'est tout bonnement parfait. Y'a rien à dire, y'à qu'à écouter. Pour l'anecdote je perds une corde vocale sur le "this land must change or land must burn" final.


Et là, tout le monde se demande s'ils vont enchaîner comme sur le disque par "The dead heart"? Hé...bien...ouiiiii!!!! Ma deuxième corde vocale saute dès le premier refrain... Notez les harmonies vocales, juste exceptionnelles sur les refrains.


Le public, tellement déchaîné, continue les "doo doo doo doo" après la fin du morceau, obligeant le groupe à improviser une reprise instrumentale du thème à la one again bien marrante. Enfin, avant le rappel, un petit enchaînement "Beds are burning" / "Blue sky mine", qui annihile toute volonté de résistance.



15 chansons auraient été nécessaires au rappel, nous n'en aurons "que" trois, à savoir "Power and the passion", "Now or never land" (encore des voix à tomber par terre) et enfin la "taillée pour les stades" "Forgotten years".


C'est sur cette dernière note que prend fin le concert après deux heures d'incandescence mélodique comme j'en ai rarement entendu. Nul ne sait ce que feront les membres du groupe à la fin de l'année à l'issue de cette tournée mondiale, mais si jamais cette dernière devait marquer la fin de l'histoire, ce serait un épilogue magnifique. A noter que le concert a été enregistré (cf. micros d'ambiance bien visibles), il doit certainement en être de même pour d'autres dates. Ca sent l'album et/ou le DVD live ça...

Redneck wonderland
Too much sunshine
Truganini
E-beat
King of the mountain
No time for games
Stars of Warburton
Sell my soul
Maralinga
Hercules
My country
When the generals talk
Ships of freedom
Kosciusko
Only the strong
Arctic world
Warakurna
The dead heart
Beds are burning
Blue sky mine

Rappel:
Power and the passion
Now or never land
Forgotten years

7 commentaires:

  1. Et tu as oublié de parler des DOO DOO DOO DOO DOO à la sortie de la salle, qui poursuivait ce moment grandiose.

    Et quant à My Country en piano voix, quelle beauté !!!!!

    Deux heures de panard.

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  2. Excellent article ! C'etait juste ça. Et il faut que tu découvres quelques face-B si Ships of Freedom t'était inconnu. ;-)

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  3. Merci pour cet excellent article. Comme toi, j'ai découvert ce groupe avec Diesel & Dust et Blue Sky Mining alors que j'étais collégien, et ce n'est que ce jeudi soir à L'Olympia que j'ai enfin pu voir les voir et entendre jouer sur scène. Ce concert a eu un sacré goût de revanche pour moi, car il y a 24 ans, le 29 juin 1993 (mon Dieu, déjà !!!) Midnight Oil était venu à Lille au vieux stade Grimonprez Jooris pour un concert dans le cadre du Earth and Sun and Moon Tour. C'était à quelques minutes de chez moi... Manque de chance pour moi, je passais une épreuve orale du bac tôt le lendemain matin et j'avais renoncé la mort dans l'âme à assister au concert. Le plus rageant : le lycée où je passais l'épreuve le lendemain était à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau du stade... En m'installant au bureau de l'examinateur, je pouvais voir le stade depuis la fenêtre, juste de l'autre côté du Canal et du bois !!! Concernant le concert de ce jeudi soir je trouve que le son était un peu saturé. Peut-être parce que j'étais juste à 3 rangs de la scène et proche des enceintes et sans doute le fond de la salle a-t-il pu mieux apprécier mais à certains moments, on avait du mal à saisir les harmonies et le jeu habituellement particulièrement complémentaire des deux guitaristes Jim et Martin qui fait toute la typicité de ce groupe. En compensation, j'étais vraiment tout proche, une fois de plus mais pour de vrai, presque 1/4 de siècle après !

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  4. Les Doo Doo Doo de la fin sont là :
    https://youtu.be/2p46IjpSDRA
    Concert incroyable et inoubliable. Merci pour ce résumé fidèle. J'en ai encore des frissons.

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  5. J'avoue ne pas du tout connaitre Midnight Oil (à part de nom bien sûr) ... mais vos retours sur ce concert m'interpelle.
    Ce groupe à une discographie assez dense quand même, que conseillez vous pour démarrer sa découverte ? :)

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    1. Pour schématiser et ne pas t'abreuver d'infos, je dirais schématiquement:
      - 2 périodes à distinguer chez les Oils: 1977-87, avec des bonnes, voire très bonnes chansons, mais avec une production qui a (je trouve) mal vieilli / 1987-2002, avec un son plus moderne, et en tout cas moins marqué.
      - 2 albums essentiels et incontournables: "Diesel And Dust" (1987) et "Blue Sky Mining" (1990). C'est facile, il n'y a pas un déchet sur ces 2 disques
      - si tu tentes de creuser la première période, "10,9,8,7,6,5,4,3,2,1" (aussi appelé "10 to 1", ça va plus vite!) est le meilleur (toujours à mon avis). Sur la 2ème période, outre les deux cités, "Capricornia" (2002) a ma préférence;
      - enfin, si tu veux commencer par un best of, le meilleur est certainement "Essential Oils". Outre un titre rigolo, il réunit 36 titres dans l'ordre chronologique, ce qui permet d'apprécier l'évolution du son du groupe.
      - côté live, un 100% électrique, "Scream In Blue - Live" (1992), qui regroupe des titres enregistrés tout au long de la décennie précédente, et un 100% acoustique, "The Real Thing" (2000), qui pioche beaucoup dans le MTV Unplugged auquel avait participé Midnight Oil en 1994 (l'album contient aussi 4 inédits enregistrés en studio).

      Voilà, tu sais (presque) tout!

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    2. merci c'est cool !
      et merci pour ton blog qui est vraiment chouette :)

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