mardi 23 janvier 2018

Les albums à écouter une fois dans sa vie: The Jesus & Mary Chain - Darklands

(avec, comme demandé, les chansons audibles en cliquant sur leurs titres !....)


Darklands
Deep one perfect morning
Happy when it rains
Down on me
Nine million rainy days
April skies
Fall
Cherry came too
On the wall
About you

Paroles & musique: Jim Reid & Willliam Reid
Production: William Reid, Bill Price & John Loder

Date de parution: 31 août 1987
Durée: 35:51

Bienvenue dans la riante Ecosse au milieu des années 80! Nous sommes en compagnie des frères Reid, Jim et William, deux frangins qui, à l'instar des frères Davies une vingtaine d'années auparavant, ont la rage au ventre. Coup de bol, ils décident de l'exprimer par la musique, mais...une certaine forme de musique. Quelque chose de jamais entendu jusque là, quelque chose qui conjuguerait cette rage, et aussi les influences issues de leurs groupes de référence, Beatles et Beach Boys en tête.

Le résultat est l'album Psychocandy, paru en 1985, et qui va connaître un immense succès en Angleterre. Le son de ce disque est tout simplement unique: on y entend un mur de guitares cradingues, poussées à leur saturation maximum mais, paradoxalement, assez en retrait dans le mixage final. Au-devant, on y entend les voix des frères Reid, qui suintent l'ennui, la morgue et le spleen. Des rythmes minimalistes, semblant avoir été joués par le batteur avec une seule main (et ce n'est pas qu'une impression...) Et le tout sur des vraies jolies mélodies. Le meilleur exemple de ce drôle de mélange est "Just like honey", tube à l'époque et remis au goût du jour plus de quinze années après grâce au film "Lost in translation" de Sofia Coppola, puisque c'est le morceau que l'on entend lors de la scène finale.

Bref, les Jesus & Mary Chain semblent avoir tous les atouts pour décrocher la queue du Mickey. Sauf que leurs concerts, si on peut appeler ça comme ça, sont des chaos absolus. Ils se barrent parfois après dix minutes de spectacle pour ne plus revenir, peuvent jouer dos au public, se battre avec les spectateurs, bref c'est très très tendu. Pour ne rien arranger, et là encore comme tous les groupes basés sur une fratrie (Kinks, Oasis, Black Crowes...), l'ambiance entre les frères Reid rendrait des points à des congélateurs industriels. En gros, on se demande bien comment le groupe va évoluer.

La réponse à cette question sera Darklands, pour le plus grand bonheur de tous - sauf peut-être des fans intégristes de la première heure, vous verrez pourquoi.

Le disque s'ouvre par la chanson qui lui donne son titre, et la surprise est grande. Les guitares sont audibles, les paroles intelligibles, le refrain imparable avec ses doo-doo-doo et, ô sacrilège, on entend même une guitare acoustique sur le refrain! Le tout baigne dans une atmosphère cotonneuse, beaucoup moins agressive que sur l'album précédent, sans pour autant qu'on puisse qualifier ça de pop joyeuse et guillerette non plus, faut pas déconner. Les paroles restent ainsi extrêmement sombres: "Take me to the dark / Oh God I get down on my knees / And I feel like I could die / By the river of disease / And I feel that I'm dying"... Les frères Reid trouvent ainsi un équilibre assez improbable entre apaisement, nostalgie et angoisse, et, chose assez incroyable, ils vont parvenir à le maintenir tout au long de l'album.

On peut ici ouvrir une parenthèse: finalement, le seul reproche qu'on peut faire à Darklands, c'est que les morceaux qui le composent se ressemblent beaucoup les uns avec les autres, en terme de suites d'accords, d'arrangements... A tel point qu'on a parfois l'impression d'entendre toujours la même chanson, mais passée à des vitesses différentes. Mais la base de départ est tellement bonne qu'on ne se pose rapidement plus de questions et qu'on se laisse embarquer avec confiance par les frères Reid.

"Deep one perfect morning" confirme cette orientation mid-tempo et electro-acoustique, avec en plus l'enchevêtrement des voix des frères Reid aux refrains. Un dans les graves, un dans les aigus, envoyez c'est pesé.

Le tempo s'accélère brusquement avec "Happy when it rains" (aucun lien avec le futur tube de Garbage). Et là, c'est la découverte: les frangins sont capables de pondre un tube pop! Les bases mélodiques sont toujours simples, les paroles parlent d'amour déçu, et pourtant ça fonctionne à plein, sans non plus sonner trop facile. Grande classe.

Et les Reid s'énervent de plus en plus, voici "Down on me", qui aurait presque pu figurer sur leur premier album. Ca défouraille sévère, avec toujours ce contraste saisissant entre une musique bourrée d'énergie et une voix qui, dans les graves, ne semble absolument pas concernée par ce qu'elle raconte. Et toujours ce miracle: les solos de guitare ont beaux être joués à deux doigts (voire un seul), ça sonne toujours super bien.

Et soudain, en plein milieu de l'album, un OVNI total. "Nine million rainy days", sorte de "Sympathy for the devil" passée au ralenti et chantée par un dépressif profond. Ambiance poisseuse et malsaine à souhait. Même les "chewp chewp" finaux semblent sépulcraux, les frères Reid semblent en marche arrière complète et parviennent à subjuguer l'auditeur. C'est très très fort.

Et ils ont l'intelligence, juste après ce machin, de balancer ce qui demeure leur plus gros succès commercial, avec une 8ème place dans les charts anglais. "April skies" ou le morceau parfait. Rien à ajouter ni à enlever, c'est imparable, on l'a dans la tête dès la première écoute. Un pur, un vrai morceau de bonheur musical, presque pop s'il n'y avait ce son de guitare électrique toujours très particulier.

Le contraste ne peut pas être plus grand avec "Fall" qui suit. Morceau le plus crade de tout l'album, le plus court aussi (2'28), et peut-être aussi le moins impérissable.

Et nous revenons en eaux plus apaisées avec la très belle "Cherry came too", avec une alternance voix haute / voix basse du meilleur effet, et un solo de guitare encore une fois très simple mais qui sonne merveilleusement bien (et qui aurait pu être du Robert Smith quelque part).

Petit chef d'oeuvre ensuite: "On the wall". Sur l'intro, on a l'impression d'entendre "Walk on the wild side" de Lou Reed passée à la moulinette Reid, et petit à petit, le morceau prend son envol. Sur le refrain, après ces paroles splendides ("I'm like the clock on the wall...", c'est beau!), le batteur marque tous les temps, les frères Reid chantent ensemble, et c'est somptueux. Alors qu'il n'y a toujours que deux accords qui tournent en boucle, l'auditeur est complètement happé par ce morceau. C'est grand.

Et pour finir, la merveille absolue du disque: un morceau acoustique que n'auraient pas renié des gens comme Ray Davies ou Elliott Smith. "About you", avec en prime un texte de premier ordre ("When people die in their living room", brillant). En un peu plus de deux minutes, les frères Reid gagnent définitivement leurs galons de grands songwriters, indéniablement.

C'est ainsi que se termine Darklands, ce petit chef d'oeuvre des Jesus & Mary Chain. Certes, Psycho Candy est plus souvent cité dans les meilleurs albums de tous les temps, mais si vous voulez un album qui fait du bien, un album de chevet, que vous aurez ensuite envie de faire découvrir à vos proches, prenez une demi-heure de votre temps et découvrez Darklands, vous ne le regretterez pas.

3 commentaires:

  1. Ah bravo maintenant j'ai dans la tête depuis ce matin "tou-toulou-toutou-tou" :)

    RépondreSupprimer
  2. Merci de m'avoir rappelé que cet album est dans la boîte à gants de ma voiture. Ce matin je sais quoi écouter on the road... to Hell. Ah non c'est pas d'eux ��

    RépondreSupprimer